Les dernières informations en provenance de la BCE indiquent assez clairement que les taux directeurs vont rester bas encore plusieurs mois, mais que sa politique visant à abaisser les taux longs pourrait ralentir en 2017. Dès lors, est-il utile de couvrir le risque de taux de la dette de son entreprise, actuelle ou future ? Probablement, car les conditions actuelles constituent encore de belles opportunités de se couvrir à un coût attractif avant que les taux longs ne remontent davantage. Explications.
1. Taux courts versus taux longs : comment sont-ils déterminés ?
Lorsque les médias évoquent la hausse des taux, ils parlent généralement des taux d’intérêts dirigés par les banques centrales. Dans les économies développées, les banques centrales fixent le niveau des taux à très court terme : ce sont les « taux d’intervention » du jour le jour (EONIA) à une semaine.
À partir de ceux-ci, les banques vont s’échanger des liquidités sur de plus longues échéances, jusqu’à un an : c’est le marché monétaire. Les taux monétaires sont fonction de l’offre et de la demande. Pour suivre ce marché et servir de référence aux calculs d’intérêts des dettes à taux variable, des moyennes déclaratives sont établies chaque jour pour chaque échéance : ce sont les IBOR, pour InterBank Offered Rate. Ainsi, on parle d’EURIBOR pour l’euro, et généralement de LIBOR pour les autres devises majeures – le L faisant référence à Londres -.
Au-delà d’un an, on entre dans l’univers des « taux longs », dont le comportement est beaucoup moins lié aux « taux courts ». Un des déterminants des taux longs est l’inflation anticipée : si le marché anticipe que l’inflation sera en moyenne de 1% par an pendant les 5 prochaines années, le taux à 5 ans sera égal à 1% plus la rémunération « réelle » attendue du prêteur.
Or, ce sont bien les taux longs qui intéressent les entreprises endettées à 5 ou 7 ans, et ils ne sont pas nécessairement corrélés aux taux Euribor.
2. Quelle corrélation entre l’Euribor 3 mois et un taux à 5 ans ?
Si une banque centrale constate des tensions inflationnistes, elle augmente ses taux directeurs pour freiner l’expansion monétaire. L’impact sur les taux longs peut varier : si les marchés anticipent que la banque centrale a tué l’inflation dans l’œuf, les taux longs resteront stables. Dans le cas contraire, ils peuvent augmenter rapidement pour fournir une rémunération brute complémentaire aux prêteurs, afin de maintenir leur rémunération nette attendue.
En conséquence, les taux courts (Euribor) et longs (taux de swap) peuvent augmenter à des rythmes bien différents selon les anticipations du marché.
Les tensions récentes sur les taux longs sont liées aux anticipations d’inflation alimentées par la fin de la baisse des prix de l’énergie et des indices positifs et la solidité de l’économie américaine.
3. Est-il pour autant trop tard pour couvrir le risque de taux d’intérêt de sa dette ?
Probablement pas, pour plusieurs raisons. L’inflation anticipée est aujourd’hui probablement sous-estimée par les marchés : si le pétrole se stabilise à son niveau actuel, une inflation supérieure à 1% pourrait être constatée dès mi-2017, alors que le marché, comme la Banque centrale européenne, n’attend ce niveau qu’à l’horizon fin 2018.
De plus, la perspective d’une diminution du programme de rachat d’obligations à long terme de la BCE aura mécaniquement un impact sur les taux à long terme.
Enfin, les hausses de taux aux États-Unis ont historiquement un impact sur les taux européens. La corrélation historique est la suivante : environ 40% d’une hausse des taux longs aux États-Unis est transmise aux taux longs européens.
Conclusion : Il est très probable que les taux longs vont continuer à remonter bien avant et plus rapidement que les Euribor. Cela va accroître le différentiel entre le taux fixe à long terme et l’Euribor (appelé « coût de portage » de la couverture). Or ce coût de portage paralyse quasi systématiquement les décisions de couverture au détriment des emprunteurs taux variable. Il est donc intéressant d’agir avant cette phase délicate, tant que les taux longs sont encore très favorables dans l’absolu.
Illustration du coût de portage : évolution comparative des taux courts et des taux longs du 4 au 11 novembre 2016